Zinab Tanfzawit des Almoravides
Née à Aghmat dans l’actuel Maroc et fille d’un riche commerçant, elle est considérée comme la femme ayant eu le pouvoir le plus important au Maghreb médiéval. Elle contribua notamment à l’expansion de la dynastie almoravide tout le long du règne de ses époux, grâce à ses connaissances stratégiques et son vif attrait pour la politique. Ses compétences avancées lui ont d’ailleurs valu le surnom de « Magicienne ». Elle est issue de la tribu berbères des Nefzawa, tribu se trouvant en Ifriqiya méridionale où ils nomadisaient de Tripoli aux alentours de Barika.
Vocation politique via l’union marital
Zinab Tanfzawit n’a jamais eu officiellement de pouvoir politique indépendant, autonome. Elle était impliquée dans les affaires politiques par le biais de ses époux en tant que « conseillère », manière pour elle de partager le pouvoir avec ces derniers. Elle a d’ailleurs décliné toutes les nombreuses demandes en mariage venant d’hommes qui n’avaient pas de pouvoir, ni de volonté à avoir la main sur le Maghrib al Aqsa entier.
Elle a eu comme premier époux Yusuf Ibn Ali, puis s’est retrouvée dans le harem du Cheikh masmouda des Ourika. Une fois ce dernier vaincu, elle devient (curieusement) la femme de Lagout lorsqu’il prit le pouvoir sur Aghmat. En effet, il était de coutume que le vainqueur héritait du harem du prédécesseur, mais le fait de prendre en épouse une concubine a beaucoup surpris à l’époque. Lorsque Abu Bakr b. Omar des Almoravides prend Aghmat à Laghout, et le tue par la même occasion, il remarque Zinab parmi les captives :
« Elle était de grande taille et avait une prestance souveraine. Son visage allongé avec un profil de médaille ; son nez droit et assez long, le menton un peu fort rappelaient les traits des impératrices du monnayage constantinien. Mais ce qui retenait l’attention était l’étrange regard de Zinab : les yeux étaient si sombres que l’iris ne se distinguait pas de la pupille et cela, joint à une certaine fixité, lui donnait un aspect impérieux et chargé de mystère. Ce regard qui ne cillait pas, plus que son intelligence politique qui s’était déjà manifestée, fut l’une des raisons pour laquelle cette femme supérieure fut considérée comme une magicienne (…) Zinab avait pris soin, lors de la présentation, d’abandonner la robe de brocart rouge pour emprunter une modeste tunique rayée de noir et de blanc comme celles que tissaient les femmes berbères de l’Atlas voisin. Un simple voile noué derrière la tête cachait, comme il se doit, sa chevelure. (…) La Nefzawa était belle, belle et intelligente. (…) Averti (Abu Bakr) du rôle de conseiller éminent que Zinab avait tenu auprès de Laghout, il pensa sans doute qu’il valait mieux s’assurer de sa fidélité et il l’épousa à son tour en 1057.» L’Afrique du nord au féminin, Gabriel Camps.
Zinab, en mariant Abu Bakr, en était donc à son troisième mariage et parallèlement à sa troisième expérience politique. Encore aujourd’hui on ne saurait expliquer comment Zinab —elle qui était une femme avec des goûts citadins (arts, culture)— a pu réussir à imposer sa volonté et devenir la conseillère d’Abu Bakr, à la tête du système le plus rude qu’elle ait connu : les réformateurs almoravides, adeptes du rite malékite, qui brisaient les instruments de musique, brûlaient les tentures sophistiquées et rejetaient fermement les plats raffinées en préférant la simplicité des dattes et du lait de chamelle.
Elle a été mariée à Abu Bakr b. Omar jusqu’en l’an 1071, date du départ en renfort de ce dernier pour le Sahara. Les sources varient sur qui des deux eut été à l’initiative du divorce, mais ce qui est sûr reste la raison : la séparation aurait été trop longue pour être viable. Une fois répudiée, Abu Bakr en personne propose à son cousin Yusuf Ou Tachfin, nommé lieutenant, d’épouser Zinab : « Marie-toi avec elle car c’est une femme de génie » (Bayan Al, 56), ce qu’il a fait.
Ainsi, Yusuf Ou Tachfin, sur les conseils justes de la brillante Zinab, deviendra maître d’un immense empire où fut répandu le rite malékite, qui s’étendra de l’Espagne musulmane au Maghreb central, et jusqu’au sud de l’actuelle Mauritanie. Ce dernier a d’ailleurs construit Marrakech selon les volontés de Zinab, ville qui deviendra la capitale de l’empire.