
Si la soumission sexuelle d’une femme musulmane à un homme chrétien symbolisait la conquête et la supériorité du Christianisme à l’Islam, les légendes et histoires d’Espagne s’avèrent être d’excellentes sources pour attraire à cette métaphore, maintes fois répétées. L’archétype de la jeune musulmane chaste, mentionnée dans les écrits français et anglais comme ‘Saracen princess/princesse sarrasine’, est belle et sexuellement mûre. » The Eve of Spain: Myths of Origins in the History of Christian, Muslim, and Jewish Conflict.
Il n’est pas nouveau que la femme soit vue comme un instrument politique pour asseoir la domination d’un peuple sur un autre, et de l’inférioriser en somme. C’est une chose que l’on constate de l’Antiquité à la colonisation, en passant par l’ère médiévale. On retrouve encore de nos jours ce schéma de pensée de « conquête sexuelle ».
Ainsi, cette notion est présente dans la littérature de manière plus ou moins romantisée. Quand bien même deux personnes tombent amoureuses, sans qu’il y ait pour autant de violence ou défaut de consentement du côté féminin, c’est cette notion de conquête sexuelle qui ressortira, dans le cadre de mariage mixte. La femme est, dans le cas d’unions exogames, vue comme la personne sur laquelle l’homme a l’ascendant, et ce dernier se voit attribuer un rôle de représentant de sa religion (ou de son ethnicité selon les cas), symboliquement supérieure à celle de la femme. Métaphoriquement, l’homme conquiert et soumet la femme, tout deux réduit à être des allégories de leur religion ou de leur tribu/ethnicité/etc.
Zayda de Séville, princesse arabe réfugiée au royaume de Castille
Parmi les nombreuses histoires de ce type, on retrouve celle de Zayda de Séville en date du XIè siècle. C’est Alfonso IV, roi de Castille, qui tombera amoureux de Zayda qui lui donnera son seul et unique fils.
À l’époque, Alfonso IV était craint des rois musulmans d’Al Andalus qui se voyaient imposer de lourds impôts, illicites selon le rite islamique (d’où la devise des Almoravides « Propager la Vérité, réprimer l’injustice, abolir les impôts illégaux. »). Ils ont donc fait appel aux Berbères almoravides du Maghrib Al Aqsa, qui assenèrent l’écrasante défaite au roi Alfonso IV lors de la bataille de Zallaqa* en 1086. Les Almoravides en profitent alors pour conquérir de plus en plus de terres. En outre, à l’arrivée de ces derniers à Séville, alors que Zayda était l’épouse de Al Ma’mun ibn Abbad fils du roi arabe de la Taifa de Séville Al Mutamid Ibn Abbad, elle s’enfuit après son veuvage vers le Royaume de Castille et intégra la cour du roi castillan. Alfonso IV, charmé par Zayda, décida de l’épouser. Elle s’est alors converti au catholicisme, rebaptisée Isabel, et a donné naissance au seul et unique fils du roi.
Entre histoire et légende, cet épisode de l’Andalousie médiévale connaitra dans les années et siècles suivants plusieurs versions romancées quant aux circonstances dans lesquelles Zayda s’est enfuit, mais également sur sa propre personne. Des détails se sont développés sur son caractère, au fil du temps, et sans surprise, cela cela a été utilisé comme figure littéraire courante de la princesse arabe musulmane sexuellement mûre, qui choisit d’aimer l’homme chrétien, au détriment de ses coreligionnaires, en l’espèce les almoravides.
* La bataille de Zallaqa (الزلاقة) tire son nom du mot arabe « zallaq » (يزلق) qui signifie littéralement « glisser », car les soldats glissaient à cause de la quantité de sang au sol.